Alors qu’elles sont censées accueillir étrangers souhaitant s’installer légalement en France et décrocher un titre de séjour, certaines préfectures sont devenues de véritables « fabriques de sans-papiers ».
La préfecture de Val-De-Marne, en région parisienne, ne cesse de soulever des critiques parmi les associations et les étrangers qui attendent un titre de séjour.
Ce service de l’État affiche des retards de traitement des dossiers, donne des rendez-vous qu’il n’honore pas et se distingue par un manque d’humanité, dénoncent principalement les associations, selon une enquête de France 3.
Une préfecture qui fait la sourde oreille aux déboires des demandeurs des titres de séjour
Chris, un étudiant en BTS à Villeneuve, se sent comme un véritable « fantôme », vu que ça fait des mois qu’il demande à la préfecture d’abroger son OQTF, en vain. Le jeune étudiant veut seulement pouvoir circuler librement et poursuivre ses études, mais la préfecture garde le silence.
Sans l’abrogation de son OQTF, Chris ne pourra pas demander un titre de séjour et restera toujours sans-papiers en France, ce qui le prive des droits administratifs les plus élémentaires et le maintien dans la précarité.
Le jeune étudiant, sous OQTF depuis avril dernier, confie qu’il a tenté d’entrer à la préfecture, mais qu’on lui a dit qu’il devait être d’abord convoqué. Il a fait un recours gracieux, mais le service de l’État continue à faire la sourde oreille.
Idem pour Harouna, qui n’arrive pas à renouveler son titre de séjour qui a expiré en juillet dernier. Il se retrouve donc sans-papiers malgré lui, alors qu’il remplit toutes les conditions nécessaires pour accéder à un séjour régulier.
Des titres de séjour prêts et des demandeurs sans rendez-vous pour les retirer
Un autre demandeur de titre de séjour indique qu’à cause du retard de la préfecture, il se retrouve « sans logement et sans travail ». Le pire, c’est qu’il explique que son titre de séjour est déjà prêt, mais qu’il attend « depuis des mois » que la préfecture lui délivre un rendez-vous pour aller le récupérer.
Cette situation a poussé plusieurs associations à appeler à une manifestation devant la préfecture ce mercredi 12 février 2025. Elles dénoncent des « dénis de droits » et demandent plus de facilitations dans l’accueil des demandeurs de titres de séjour.
Préfecture de l’Isère : des délais trop longs
L’autre préfecture pointée du doigt est celle de l’Isère (Grenoble). Elle a fermé son service d’accueil physique en mars 2024. Depuis cette date, les étrangers qui veulent demander ou renouveler un titre de séjour doivent d’abord décrocher un rendez-vous sur la plateforme numérique, indique le journal français le Dauphiné.
Une situation qui donne lieu à des « situations ubuesques », poursuit la même source qui rapporte le cas de deux femmes confrontées à un véritable « labyrinthe administratif ».
Elle décroche un titre de séjour de 10 ans et se retrouve en situation régulière après 4 ans
Il y a d’abord Elisabeth, une anglaise vivant en France depuis 30 ans qui se retrouve sans titre de séjour depuis le 15 janvier dernier. Elle indique pourtant qu’elle a anticipé la mise en place du Brexit et qu’elle a demandé un titre de séjour en janvier 2020.
La préfecture de l’Isère lui a en effet délivré un titre de séjour de 10 ans en 2020, mais, contre toute attente, le même service de l’État lui signale en 2024 qu’elle est en situation irrégulière. Et ce n’était là pour cette ressortissante anglaise que le début du calvaire.
Elisabeth confie qu’en juillet dernier, elle a même reçu un email de sa préfecture l’invitant à venir récupérer son titre de séjour. La ressortissante anglaise pose une journée de congé, prépare les 2225 € de frais de timbre et se rend à sa préfecture. En arrivant, on lui dit qu’il s’agit sûrement d’une erreur de SMS automatique.
Elisabeth a trois enfants nés en France et elle travaille comme employée dans une multinationale à Grenoble. « J’ai le sentiment d’être rejetée par un pays malgré tout ce que je lui ai donné », dénonce-t-elle, assurant que cette situation constitue pour elle « une source d’anxiété terrible ».
Renouvellement de titre de séjour : pas de rendez-vous en vue
Jing quant à elle, est une ressortissante chinoise qui risque de se retrouver en situation irrégulière en France dans deux mois. Bien qu’elle réside régulièrement dans l’Hexagone depuis 2008, elle peine à décrocher un rendez-vous pour renouveler son dernier titre de séjour.
« Quand on dématérialise, c’est pour gagner en efficacité, non ? », se demande cette ressortissante chinoise confrontée à un véritable mur numérique. Elle regrette le temps où elle renouvelait son titre de séjour avec une relative simplicité via la procédure classique, et non numérisée.
Jing a pourtant anticipé le renouvellement de son titre de séjour, mais deux mois seulement avant l’expiration de son document, elle n’a même pas eu de rendez-vous.
Cette Chinoise, conjointe d’un ressortissant français, se demande comment les étrangers peuvent-ils respecter les valeurs fondamentales de la république s’ils rencontrent « autant d’obstacles » pour renouveler un simple titre de séjour.
Préfecture de l’Isère : dématérialiser pour mieux traiter
De son côté, la préfète de l’Isère défend sa politique et rappelle qu’avant mars 2024 et l’adoption de la stratégie du tout numérique, le service de l’État attirait 400 demandeurs de titres de séjour par jour. Elle assure que seulement 140 parmi eux étaient reçus et qu’uniquement 70 étaient munis d’un dossier complet.
La préfecture a ainsi instauré l’obligation de prendre rendez-vous en ligne pour mettre fin à cette situation, explique la préfète qui se félicite d’avoir fini avec les files d’attente et d’avoir augmenté le nombre de demandes de titres de séjour traitées.
La préfète sait pourtant que des difficultés subsistent. Ainsi, elle compte mettre en place prochainement des guichets physiques en complément de la plateforme numérique pour l’obtention des rendez-vous.