La question migratoire continue de faire débat en France, poussant les préfets à durcir leur politique relative à la délivrance et au renouvellement des titres de séjour.
Certains services de l’État dans l’Hexagone vont jusqu’à procéder, dans certains cas, au retrait des titres de séjour en cours de validité de certains étrangers établis légalement en France.
Les principaux motifs de retrait sont la pratique de la polygamie, être exposé à certaines condamnations pénales, ou encore constituer une menace pour l’ordre public, lit-on sur le site Service Public.
Dans un entretien accordé au journal français Le Progrès et publié ce lundi 18 novembre, la préfète du Rhône, Fabienne Buccio, estime que les « individus qui se comportent mal n’ont rien à faire sur le sol français ».
Retrait systématique des titres de séjour pour les étrangers délinquants
La première responsable du service de l’État dans le département du Rhône a même dévoilé qu’elle « systématise » le retrait du titre de séjour si l’étranger est considéré comme délinquant ou qu’il est jugé comme étant une source de trouble à l’ordre public.
« Je systématise le retrait de titre de séjour aux délinquants », a en effet déclaré la préfète qui ajoute qu’en 2022/2023, elle avait usé de la procédure de retrait, de refus de renouvellement ou de délivrance de titre de séjour, à l’encontre de près de 300 étrangers, et ce, pour des faits de trouble à l’ordre public.
Elle indique toutefois qu’il s’agit d’une « procédure longue et compliquée » qui se heurte à divers obstacles et qui prend beaucoup de temps pour voir l’étranger finalement expulsé vers son pays d’origine.
OQTF : « De la prison à l’avion »
Toujours selon la préfète du Rhône, les détenus dans les deux Centres de rétention administratifs de Lyon « sont presque à 100 %, des sortants de prison ou des individus qui ont causé des troubles à l’ordre public, qui peuvent être dangereux pour la société ».
La préfète a souligné qu’elle souhaite pouvoir « faire passer… les détenus directement de la prison à l’avion », vu que les centres de rétention affichent déjà complets.
Elle a aussi dévoilé que le taux d’expulsion depuis ces CRA est passé de 25,6 % en 2023 à 30 % en 2024, tout en assurant que la majorité des détenus sont maghrébins.
Elle déplore cependant que certains pays (faisant allusion à l’Algérie qu’elle n’a pas voulu directement citer) refusent de délivrer des laissez-passer consulaire pour les sans-papiers.
Trouble à l’ordre public : une notion instrumentalisée pour expulser davantage d’étrangers ?
Dans des déclarations accordés à Bondy Blog en 2023, Patrick Henriot, magistrat honoraire et secrétaire général du Groupe d’information et de soutien des immigrés (GISTI), a indiqué que la notion de trouble à l’ordre public « existe depuis 1945, mais qu’elle est de plus en plus utilisée et de façon exponentielle ».
Morade Zouine, avocat spécialiste du droit des étrangers, a constaté quant à lui que « la menace à l’ordre public n’a jamais été autant utilisée » contre les étrangers établis en France comme cela a été le cas depuis 2021.
Mélanie Louis, responsable des questions liées aux expulsions à la Cimade assure de son côté que la notion de la menace à l’ordre public est sujette à plusieurs interprétations et elle est surtout instrumentalisée pour pouvoir expulser plus d’étranger.
Elle confie que des personnes ont été placées en rétention, voire expulsées, sur fond de menace à l’ordre public, et ce, « pour avoir uriné sur la voie publique, ou pour avoir volé une paire de chaussettes ou une barre chocolatée ».