En France, deux rumeurs surprenantes à propos des titres de séjour sont devenues virales ces derniers jours. La première prétend que les préfets n’ont plus la possibilité de refuser un titre de séjour et la seconde concerne le coût du titre de séjour pour étrangers malades.
Si la première fausse information a été relayée uniquement par des internautes, notamment sur TikTok, la seconde a été diffusée dans la presse nationale française par Laurent Wauquiez, président du groupe parlementaire La Droite républicaine à l’Assemblée nationale.
Les préfets sont-ils empêchés de refuser l’octroi de titres de séjour ?
Dans une vidéo publiée le 23 novembre 2024 est devenue virale sur TikTok, un internaute affirme que « désormais, on ne peut plus refuser un titre de séjour en France à un étranger ».
Selon lui, « la nouvelle loi sur l’immigration a imposé à l’administration française de vérifier toutes les options pour accorder un titre de séjour avant de refuser une demande ou d’émettre une OQTF ».
Le tiktokeur s’est basé sur le dispositif de « l’instruction à 360 degrés », instaurée par la nouvelle loi immigration, promulguée en janvier 2024 en France. Or, selon des experts en vérification de l’information de l’agence AFP, il ne s’agit que d’une rumeur, ou d’une mauvaise interprétation de l’expérimentation de ce dispositif.
Entre autres nouveautés, la nouvelle loi immigration instaure, en effet, l’expérimentation d’une « instruction à 360 degrés » des demandes de titres de séjour, qui prévoit d’évaluer l’ensemble des motifs pouvant les justifier, et plus seulement celui mis en avant par le demandeur.
« Elle (l’administration, NDLR) doit désormais aussi tenir compte d’autres raisons possibles de régularisation, comme la vie familiale et privée, des raisons médicales, ou le fait d’être le conjoint d’un Français, ou le parent d’un enfant français ».
La séquence a été très partagée sur les réseaux sociaux. De nombreux internautes ont également demandé, en commentaires, les démarches à suivre en fonction de leurs situations respectives.
Voici ce que prévoit réellement le dispositif mal interprété de la loi immigration
Selon un Factuel de l’AFP, publié ce vendredi 17 janvier, il ne s’agit que d’une mal-interprétation de ce volet de la loi immigration. Interrogé à ce propos, Serge Slama, professeur de droit public à l’Université Grenoble-Alpes, déclare : « Évidemment, il est toujours possible de refuser un titre de séjour et de prendre une OQTF ».
Selon lui, les préfets ont toujours une marge d’appréciation et une discrétion dans le cadre de la remise ou le refus des titres de séjour, ce qu’on appelle le « pouvoir discrétionnaire » de l’administration.
Le dispositif dit « d’instruction à 360 degrés », avancé par l’auteur de la vidéo, est en réalité mis en place à titre expérimental pour examiner toutes les raisons qui pourraient justifier l’octroi d’un titre de séjour avant de refuser une demande ou d’émettre une OQTF.
Jusqu’à présent, les préfectures ne sont tenues d’examiner la demande que sur le seul fondement invoqué par le demandeur. En résumé donc, le dispositif d’instruction à 360 degrés ne prévoit aucunement d’empêcher les préfectures de refuser l’octroi des titres de séjour et l’émission des OQTF.
Titre de séjour pour soins : quel est son coût réel ?
Pour ce qui est de la deuxième rumeur, le chef des députés LR, Laurent Wauquiez, affirme dans une interview accordée au journal Le Parisien lundi 13 janvier que le titre de séjour pour étrangers malades coûte des « centaines de millions d’euros » au trésor public.
Mais en réalité, le coût de ce dispositif « dont on parle peu et qui coûte très cher », selon le député, est impossible à quantifier précisément, selon plusieurs éléments, rapportés par le journal français Capital.
Selon un rapport de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii), publié en décembre 2024, si « l’impact financier du recours à certaines thérapies médicales ou médicaments onéreux est conséquent, il est simplement non visible puisque pris en charge de manière globale par l’Assurance-maladie ».
De son côté, l’ancien ministre français de la Santé, Claude Évin, estime qu’il est difficile de déterminer le coût des titres de séjour pour les étrangers malades. « Honnêtement, on ne sait pas ce que ça représente. C’est un sujet sur lequel on entend beaucoup de choses, mais qu’il faudrait pouvoir expertiser précisément », explique-t-il.
À noter qu’en 2023, sur les 24.858 demandes d’étrangers malades reçues par l’Ofii, moins de deux tiers ont reçu un avis favorable. En 2024, les Algériens sont arrivés en tête des demandeurs, avec un total de 2.103 demandes, suivis de la Côte d’Ivoire (1.700) et la Géorgie (1.500).
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