Depuis quelques mois, l’accord franco-algérien de 1968 sur l’immigration est devenu la cible de plusieurs politiciens français qui appellent à son abrogation, estimant qu’il confère aux Algériens plusieurs avantages en France comparés au reste des étrangers non-européens.
Mais qu’en est-il vraiment ? Cet accord, facilite-t-il aux Algériens l’accès au travail, l’installation en France et l’obtention d’un titre de séjour ou bien il ne s’agit que d’un vieux document qui perd peu à peu sa raison d’être ?
France : des appels à abroger l’accord de 1968, jugé trop favorable aux Algériens
Xavier Driencourt, ancien ambassadeur de France à Alger, estime que cet accord « donne aux Algériens un statut privilégié que n’ont pas les autres nationalités », appelant ainsi à son abrogation et dénonçant notamment « une asymétrie, car les Français n’ont aucun avantage en Algérie ».
Plusieurs figures de la droite et de l’extrême droite française lui ont emboîté le pas, criant sur tous les toits que cet accord favorise l’arrivée des Algériens en France et donc l’immigration de masse, selon eux.
Plusieurs figures de cette tendance politique ont appelé à en finir avec cet accord, notamment Edouard Philippe, Eric Ciotti mais aussi, en 2023, Bruno Retailleau, aujourd’hui ministre de l’Intérieur du gouvernement Barnier.
A force de parler de cet accord et de le présenter comme étant favorable à l’Algérie, les Algériens de France eux-mêmes ont fini par se croire privilégiés. En vérité, il n’en est rien, expliquent les avocats Morade Zouine et Fayçal Megherbi, spécialistes du droit des étrangers, dans des déclarations au journal français Le Monde, ce mardi 12 novembre.
L’accord franco-algérien a été vidé de sa substance
Alors que beaucoup pensent que l’accord franco-algérien facilite les flux migratoires entre l’Algérie et la France, l’avocat Morade Zouine, juriste au groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti), assure que « ce n’est pas le cas ».
L’avocat spécialisé dans le droit des étrangers rappelle que les Algériens, comme n’importe quels étrangers non-européens, ont besoin d’un visa pour entrer en France. Il ajoute que la question a été « trop politisée » et qu’il est temps de déconstruire.
Signé en décembre 1968, l’accord franco-algérien a été modifié à trois reprises, 1985, 1994 et 2001, rappelle le journal français. Il a été vidé de sa substance qui était initialement d’assurer mais aussi de contenir la libre circulation des Algériens en France.
Accord franco-algérien : très peu d’avantages subsistent
Le document de 8 pages garantissait notamment aux Algériens de rentrer en France sans visa, de bénéficier d’une carte de résidence d’Algérien (CRA, un titre de séjour de 5 ans), s’ils trouvent un travail, et d’une autre de 10 ans après 3 ans de résidence en France.
Au fil des modifications, un visa a été instauré aux Algériens souhaitant entrer en France, et les conditions d’accès à un titre de séjour ont été durcies, rendant les Algériens soumis au droit commun des étrangers en France, à quelques exceptions près.
L’accord garde en effet quelques spécificités : notamment l’acquisition de plein droit d’une carte de résidence de 10 ans au bout d’un an de mariage avec un Français(e) et la possibilité de demander un regroupement familial au bout de 12 mois de séjour en France (18 mois pour les autres nationalité).
C’est à cause de ces infimes acquis qui n’ont pas été touchés par les modifications que certains pensent aujourd’hui que les Algériens sont privilégiés. Selon l’avocat Fayçal Megherbi, il ne faut pas oublier que cet accord prive aussi les Algériens des avantages de certains textes législatifs sur l’immigration en France.
Il n’y a pas que des avantages pour les Algériens
L’avocat explique que les Algériens sont « figés » dans l’accord de 1968 et ne peuvent pas bénéficier de « certaines avancées » apportées par d’autres lois, comme, les cartes de séjour pluriannuelles, les passeports talents ou encore la régularisation par le travail dans le cadre des métiers sous tension.
L’accord franco-algérien fragilise aussi les étudiants algériens en France car il ne leur accorde pas le droit d’obtenir directement un poste de travail après avoir décroché leurs diplômes, ce qui complique la tâche de régulariser leur situation en France après la fin de leurs études.
Pour sa part, l’avocat Morade Zouine estime que l’accord de 1968 « est très mal rédigé » et qu’il est loin de faire des Algériens des privilégiés en France. « On ne réglera absolument pas le problème de l’immigration en abrogeant cet accord », at-il conclu.