Économie

Tournesol en Algérie : surface dédiée en 2025 et enjeux stratégiques

En Algérie, le lancement officiel de la campagne de semailles du tournesol a eu lieu cette semaine à Msila. À cette occasion, les autorités locales étaient présentes et de façon symbolique, ils ont donné le signal de départ à un semoir.

L’Algérie veut promouvoir la culture du tournesol afin de réduire sa dépendance vis-à-vis de l’étranger en matière de graines oléagineuses.

L’Algérie prévoit pour la saison actuelle de consacrer à la culture du tournesol une superficie de 60.000 hectares tant au Nord qu’au Sud du pays.

Lors de son dernier passage à la Foire internationale d’Alger, le président Abdelmadjid Tebboune avait expliqué que l’objectif était « d’arriver à une production nationale d’au moins 2,5 à 3 millions de tonnes de graines à triturer ».

C’est à M’sila que Hanane Labiod, directrice de la régulation et de la valorisation des productions agricoles au niveau du ministère, a fait l’annonce du lancement de la campagne, selon l’agence APS.

C’est au niveau d’une exploitation d’Aïn Khadra que la campagne a été lancée. Un agriculteur a décidé de semer 10 hectares de tournesol sur les 150 prévus dans cette wilaya où la pluviométrie annuelle est de 250 mm.

La responsable a exprimé l’espoir de voir d’autres agriculteurs s’intéresser à ce genre de culture dans le but d’atteindre l’objectif visé pour cette année.

Elle a rappelé l’intérêt du tournesol dans la rotation des cultures et s’est félicitée que la culture de cette plante oléagineuse ait « augmenté par rapport à la dernière saison qui avait vu l’ensemencement de 2.000 hectares ».

Hanane Labiod a également tenu à rassurer les agriculteurs à propos du soutien du ministère de l’Agriculture. Celui-ci « a réuni toutes les conditions nécessaires pour la réussite du programme de culture du tournesol qui touchera 54 wilayas du pays au cours de l’actuelle saison agricole, notamment par la sensibilisation et l’accompagnement technique des agriculteurs engagés dans ce type de production agricole », a-t-elle souligné à l’APS.

Culture des plantes oléagineuses en Algérie : un enjeu stratégique de sécurité alimentaire

Ce sont ainsi semences, herbicides et matériel spécifique de semis et de récolte qui sont mis à la disposition des agriculteurs.

Contrairement aux céréales, le tournesol n’a qu’une seule tige, aussi une densité élevée de pieds à l’hectare est indispensable pour assurer un rendement correct. Les services agricoles ont tenu à assurer aux agriculteurs une disponibilité en semoirs spécifiques « monograin ».

Le semoir utilisé à Aïn Khadra lors du lancement officiel de la campagne 2025 a procédé au semis de semences en provenance de Turquie. Des semences de la marque AgroEast appartenant au groupe Limagrain, une société française qui, depuis 2015, a installé en Turquie une usine de traitement de semences. Son but était alors d’approvisionner les marchés russe et ukrainien alors en plein développement et depuis peu les pays du Maghreb.

Avec une moyenne de 700.000 hectares de tournesol, la Turquie est devenue le sixième producteur mondial. Une culture concentrée pour 60 % dans la région d’Istanbul jusqu’à la frontière bulgare et grecque. Une localisation qui le doit à une pluviométrie annuelle favorable avec près de 700 mm.

La même responsable a également confié à l’APS que ce programme était « très prometteur » d’autant que le gouvernement algérien a « mis en place tous les mécanismes nécessaires pour motiver et encourager les agriculteurs à s’engager dans cette filière importante pour l’économie nationale », ce qui, selon elle, « contribuera à réduire la facture des importations et à assurer la sécurité alimentaire ».

Hanane Labiod, a également indiqué que l’Algérie dispose des potentialités humaines et naturelles pour mettre en œuvre ce programme, elle a noté que les expériences lancées dans certaines wilayas ont prouvé que la culture de cette plante oléagineuse « a un excellent rendement ».

Selon les experts français du programme Maghreb Oléagineux, la culture nécessite un minimum de 550 mm de pluie, notamment à la période de floraison et de formation des graines, ce qui nécessite d’être irriguée.

Le programme Maghreb Oléagineux, qui s’est étalé de 2019 à 2022, a été initié par la filière oléagineux française et notamment par les producteurs de semences.

Et à ce titre, il a bénéficié de financements de l’Union européenne. Son objectif : « Contribuer à la structuration des filières du colza en Tunisie et du colza et du tournesol au Maroc ».

Les initiateurs du programme ont fixé deux objectifs : « Promouvoir les semences de colza et de tournesol » et « contribuer au développement des productions locales de graines oléagineuses en fournissant un soutien technique aux agriculteurs et en encourageant l’essor de débouchés locaux ».

Bien que se fournissant auprès de producteurs européens de semences de colza et de tournesol, l’Algérie n’a pas fait partie de ce programme.

La culture du tournesol est nouvelle en Algérie et doit relever plusieurs défis, dont l’irrégularité des pluies. À part dans les zones littorales, le tournesol est exposé au risque de manque d’eau en fin de cycle. De son côté, le colza, pouvant être semé dès septembre, pâtit cependant du risque d’arrivée tardive des pluies automnales.

En Algérie, le tournesol est également semé dans le Sud et a donné des rendements prometteurs avec irrigation sous pivot.

À Adrar, au niveau d’une concession de 2.000 hectares accordée à une entreprise turque, les ingénieurs algériens affinent leur expérience.

Après avoir semé en 2023 du tournesol au mois de septembre, ils se sont aperçus d’une perte importante de pieds du fait de la chaleur et optent dorénavant pour des semis d’octobre.

Culture du tournesol en Algérie : trois défis à relever

Nombre d’investisseurs pratiquent au Sud la double culture avec blé puis maïs ensilage. Pour eux, se pose la question de savoir intégrer le tournesol dans cette stratégie de deux récoltes par an.

Autres défis pour le tournesol : l’absence de paille pour l’élevage, les dégâts des oiseaux et des parasites comme l’orobanche. À cela, s’ajoute la lutte contre les mauvaises herbes, à ce niveau, l’expérience des agriculteurs ukrainiens et russes peut s’avérer intéressante : à l’emploi d’herbicides, ils ajoutent un désherbage mécanique.

Que ce soit sous pivot ou au Nord, la culture de tournesol présente cependant des avantages, dont l’échelonnement des périodes de semis et surtout une rotation des cultures qui permet une meilleure lutte contre les mauvaises herbes et parasites inféodés aux céréales.

Les prix d’achat du quintal de tournesol proposés aux agriculteurs par l’Office algérien des céréales (OAIC) sont particulièrement rémunérateurs. Ils sont notamment reliés à ceux du marché mondial, avec un seuil plancher, en cas de baisse. Un mécanisme qui permet à l’agriculteur d’espérer un prix de 7.300 DA par quintal produit.

En tant que culture contractuelle, le tournesol doit également pouvoir bénéficier de débouchés au niveau des triturateurs nationaux, ce qu’assurent les usines locales de triturations.

À raison de plusieurs dizaines de milliers d’hectares, le programme tournesol est ambitieux. Hanane Labiod a affirmé que l’Algérie dispose « des potentialités humaines » pour mettre en œuvre ce programme. Aussi, mérite-t-il la participation de l’ensemble des compétences locales tant au niveau des instituts techniques, université, agrofourniture que du secteur de la trituration.

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