International

Trafic de drogue vers l’Algérie : des militaires marocains mis en cause

L’affaire de trafic de drogue dite du “Pablo Escobar du Sahara” livre peu à peu ses secrets. Les auditions effectuées par les juges ont pu établir des complicités dans les rangs de l’armée marocaine lors de l’acheminement d’importantes quantités de drogue vers l’Algérie via la frontière entre les deux pays.

Hadj Ahmed Ben Brahim, dit le Malien, ou le Pablo Escobar du Sahara, a été arrêté en 2019. En prison, il a livré de gros noms de la politique et du monde des affaires au Maroc.

Le véritable patron du réseau pendant deux décennies serait en fait l’ancien député Abdenbi Bioui, lui aussi arrêté. La justice n’a pas encore interrogé les gros bonnets. Mais les “petites mains” entendues, selon le terme utilisé par le site marocain Médias 24, ont déjà livré de retentissantes révélations.

Le réseau aurait acheminé 200 tonnes de résine de cannabis vers l’Algérie. Le trafic se poursuivait encore en octobre 2023, avant le début des arrestations, selon les écoutes effectuées par la Brigade nationale de police judiciaire (BNPJ).

Pour que de telles quantités puissent passer la frontière sans éveiller de soupçons, il faut évidemment des complicités. Et c’est ce que confirment les auditions devant la chambre criminelle de Casablanca. Médias 24 rapporte la teneur d’une audience tenue vendredi 14 février.

Un certain A.B. est accusé d’avoir “facilité la sortie illégale de Marocains du territoire national”, “corruption” et “participation au trafic de drogue”.

Des militaires marocains impliqués dans le trafic de drogue vers l’Algérie

Le trafiquant aurait intégré le réseau grâce à un soldat à la retraite qui lui a refilé les numéros de ses anciens collègues en poste aux frontières.

A. B. a tenté de faire croire qu’il est un simple agriculteur et que les policiers ont arrêté un “homonyme”, mais il est accablé par les écoutes de la BNPJ. Dans ses conversations avec ses complices, il évoquait les points 88 et 90, les zones de passage vers l’Algérie préférées du réseau.

Les écoutes et les aveux des prévenus ont permis à la justice de comprendre le mode opératoire du réseau.

Avant d’envoyer une cargaison, le militaire en poste était avisé pour qu’il détourne la caméra de surveillance. La “marchandise” était répartie en dix tranches et acheminée de nuit en plusieurs étapes et par des points de passage différents.

Le soldat en charge de détourner la caméra était payé 36 000 dirhams (3500 euros) pour chaque ballot. Les passeurs, généralement de petits agriculteurs, prenaient, eux, 10 000 dirhams (près de 960 euros).

La période exacte où ces tentatives de faire introduire de la drogue sur le territoire algérien n’a pas été précisée, mais cette confirme les soupçons sur la complicité ou la complaisance des militaires marocains avec les trafiquants de drogue, ce qui explique comment des quantités impressionnantes de cannabis quittent le Maroc vers l’Algérie, sans qu’elles soient interceptées par l’armée du royaume.

Les auditions se poursuivent devant la chambre criminelle de Casablanca. Le passage devant le juge des têtes du réseau promet des révélations encore plus retentissantes et peut-être des complicités à un plus haut niveau.

Les plus lus