Deux mois et demi après sa réélection pour un deuxième mandat à la tête de l’Algérie, qu’il veut « économique par excellence », le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a procédé lundi 18 novembre à un profond remaniement du gouvernement. Les changements ont touché plusieurs départements concernés par la gestion de l’économie.
Si les ministres des Finances, de l’Énergie et de l’Agriculture ont été maintenus, ceux de l’Industrie, des Transports et des Startups sont remplacés.
Celui du Commerce, Tayeb Zitouni, a été gardé, mais il se contentera désormais du commerce intérieur. Un nouveau ministère dédié au commerce extérieur a été créé et confié à Mohamed Boukhari.
Celui-ci, avec le nouveau ministre des Transports, l’ancien wali d’Oran Saïd Sayoud qui a remplacé Lahbib Zahana, et Sifi Ghrieb qui a pris la place d’Ali Aoun à l’Industrie, auront du pain sur la planche.
Les secteurs dont ils ont hérité sont parmi ceux qui ont fait parler le plus pendant le précédent mandat. Ils ont désormais la lourde mission de concrétiser, chacun en ce qui le concerne, l’ambitieux projet présidentiel de booster les exportations hors hydrocarbures.
L’objectif déclaré est d’atteindre 29 milliards de dollars en 2030. En 2023, les exportations de l’Algérie en dehors du gaz et du pétrole avaient reculé à un peu plus de 5 milliards de dollars après avoir frôlé les 6 milliards en 2022. En 2025, elles devraient se situer, selon les prévisions du projet de loi de finances, à 7 milliards de dollars.
L’évolution du volume des exportations repose évidemment sur les performances du secteur de l’industrie et accessoirement de l’agriculture, dont l’objectif premier reste d’assurer l’autosuffisance alimentaire du pays.
L’action du ministère du Commerce extérieur et de la Promotion des exportations est aussi déterminante pour fluidifier les circuits d’exportation. Beaucoup reste à faire dans ce registre tant l’acte d’exporter fait toujours face à des contraintes administratives induites par une législation qui ne s’est jamais tout à fait adaptée aux nouvelles réalités et aux nouveaux défis économiques.
La législation des changes en vigueur semble avoir plus le souci de préserver les réserves de changes du pays, qui ont atteint près de 69 milliards de dollars en 2023, que celui de booster les échanges ou créer de nouvelles sources génératrices de devises.
Les exportateurs continuent de se plaindre de tracasseries liées au rapatriement des devises, aux frais de leurs missions à l’étranger, à l’implication de plus en plus pesante des administrations publiques dans la gestion des entreprises y compris privées, alors qu’elles ne sont pas outillées pour le faire.
Cette implication des ministères dans la gestion des entreprises a été instaurée à la fin des années 2000 sous le règne de l’ancien président Abdelaziz Bouteflika, ce qui a accentué la mainmise des bureaucrates sur l’appareil économique.
Selon nos sources, certaines banques demandent même aux entreprises de justifier leurs missions à l’étranger pour leur délivrer les frais de mission qui restent dérisoires par rapport aux prix des hôtels, de la restauration, des déplacements notamment en France, principal marché de destination des produits algériens en raison de la présence d’une forte communauté nationale dans ce pays.
Économie, exportations, ports… : ce qui attend la nouvelle équipe gouvernementale
Mohamed Boukhari aura aussi à s’occuper du volet très complexe des importations, en évitant de tomber dans l’amalgame de ses prédécesseurs qui ont parfois confondu rationalisation et fermeture.
En février 2023, le président Tebboune avait poussé un coup de gueule en plein Conseil des ministres, dénonçant la mauvaise interprétation de ses instructions relatives à un meilleur contrôle des importations et à la lutte contre les surfacturations, tout en assurant la continuité de l’approvisionnement du marché national.
Un mois après, Kamel Rezig est remplacé à la tête du ministère du Commerce par Tayeb Zitouni qui, à son tour, laisse donc le portefeuille du commerce extérieur à Mohamed Boukhari. Mais les lenteurs et les obstacles demeurent nombreux et complexes.
Le commerce extérieur est évidemment intimement lié au transport, précisément le transport maritime. Ce secteur demeure l’un des talons d’Achille des échanges extérieurs de l’Algérie.
Les entreprises portuaires ne se sont pas adaptées aux nouvelles ambitions de l’Algérie, comme on le constate avec cette congestion chronique des ports qui coûte beaucoup aux finances du pays. Ils n’ont pas investi suffisamment dans la modernisation de leurs équipements, ce qui pénalise l’économie nationale.
Les grands armateurs mondiaux appliquent des charges supplémentaires sur les conteneurs en partance pour l’Algérie pour compenser les coûts des surestaries des navires aux portes des ports algériens. CMA CGM, le géant français des mers, applique des tarifs du fret maritime deux fois plus élevés vers l’Algérie par rapport au Maroc et à la Tunisie.
En plus des tarifs élevés du fret maritime, l’Algérie paie plus cher ses importations que ces deux voisins en s’acquittant des surestaries aux armateurs qui attendent longtemps en rade ou dans les eaux internationales pour pouvoir décharger leurs marchandises dans les ports algériens.
Des frais supplémentaires réglés en devises qui alourdissent la facture des exportations de services et par conséquent, pèsent lourdement sur la balance de paiement de l’Algérie.
Comme solution provisoire à la congestion des ports, le président de la République a suggéré en juin dernier de rediriger les navires vers d’autres infrastructures portuaires en cas de congestion du port de destination.
Ce problème, qui se pose avec acuité, devrait constituer l’une des priorités du nouveau ministre issu de l’administration locale.
Outre la promotion des exportations hors hydrocarbures, c’est tout le gouvernement qui sera sous pression pour concrétiser la promesse phare du président Tebboune qui est d’atteindre un produit intérieur brut de plus de 400 milliards de dollars en 2026-2027 et 20.000 projets d’investissement.
Le dernier chiffre en date révélé par l’Agence algérienne de promotion des investissements fait état de plus de 10.000 projets nationaux et étrangers déclarés, d’une valeur totale de 4.340 milliards de dinars et devant créer 258.000 postes d’emploi. Toutefois, l’AAPI parle d’intentions, mais ne donne pas le bilan des projets réalisés, concrétisés et c’est ce qui compte le plus.
Dans les milieux d’affaires, alors que les organisations patronales brillent par leur absence du débat économique, de nombreux chefs d’entreprise se plaignent souvent des obstacles bureaucratiques qui freinent les initiatives et bloquent l’investissement en Algérie.
Concrétiser au plus vite ces projets déclarés par la levée des dernières entraves, tout en permettant le lancement de milliers d’autres, sera la mission urgente de la nouvelle équipe gouvernementale pour porter, dans deux ans, le PIB de l’Algérie au seuil fixé par le président de la République.
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