Les consommateurs saoudiens sont friands de truffes blanches, communément appelées Terfess. Celles-ci poussent naturellement dans le désert algérien, une situation qui pousse des agriculteurs à en exporter vers les pays du Golfe dont l’Arabie Saoudite.
Dans un hall d’exposition au Qatar, un importateur présente des dizaines de caissettes remplies de truffes de différentes origines dont celles provenant d’Algérie.
Certaines empilées les unes sur les autres ou posées à même la moquette à raison de 10 rangées, chacune d’une douzaine de caisses. Entre les acheteurs et la précieuse marchandise, des poteaux de guidage à cordon habituellement utilisés lors d’un événement VIP ou d’une exposition d’art.
Des employés, les mains gantées, s’activent autour des caisses tandis que des acheteurs affluent et soupèsent du regard la marchandise convoitée.
Le kilo de truffes peut atteindre jusqu’à 1 200 riyals saoudiens (264 euros), notait en février 2022 le site ArabNews.
Dans ce pays, la truffe du désert a son festival et de fin janvier à début mars la tradition est d’aller dans le désert à leur recherche. Il existe des séjours consacrés à leur recherche qu’organisent de grands propriétaires terriens comme le confie Youssif Al-Mutlag à ArabsNews : « Les visiteurs peuvent accéder à la ferme dans leur voiture en payant 266 dollars par véhicule pour profiter de la météo, camper et récolter des truffes ».
D’un air malicieux, il ajoute : « Tout ce dont vous avez besoin c’est de patience, un bon œil pour la plante Réguig, un tournevis pour la sortir de la terre, et vous êtes prêt à partir ». Comme tous les amateurs de truffe, il sait bien qu’on les trouve le plus souvent à proximité de plants de reguig, une espèce endémique du désert également présente en Algérie.
Dans la région de Béchar, fin décembre, une binette à la main, un amateur chassait la truffe. Suivi dans cette activité par DZ News, il conseillait également de les rechercher à proximité des fameux plants de Réguig.
Mêlant le geste à la parole, tout en grattant le sol près de la plante en question, et découvrant une truffe il confiait : « c’est près de cette plante qu’on en trouve le plus souvent ».
Dans le sol, une étrange association s’établit en effet entre le réseau de ramifications souterraines de la truffe et les racines du Réguig. Les premières captant de l’eau et des éléments minéraux du sol et les secondes fournissant une riche sève qui nourrit le champignon qu’est en fait le Terfess, chacun y trouvant son compte.
Près de la route, sourd au bruit des voitures, DZ News montrait la poursuite de la chasse aux truffes. En moins d’une demi-journée, cet amateur remplissant un carton de douzaines de truffes de la taille d’une mandarine.
Le sud algérien regorge de truffes
A Ménia l’investisseur Djelloul Chaïche, n’est pas confronté aux truffes de petite taille, celles qu’il récolte sont de la taille d’une orange.
En 2023, suivi par à Ennahar Tv, on pouvait le voir partir à la recherche de Terfess et délicatement gratter le sol boursouflé, signe de la présence d’une truffe de belle taille. A proximité était visible un pivot et là, où on s’attendait à voir du blé, le sol était couvert d’une maigre végétation saharienne.
Il avouait alors irriguer le sol à l’aide du pivot pour favoriser la croissance des truffes : « J’ai vu faire cela en Arabie saoudite et au Qatar. Comme je dispose de pivots, j’ai fait un essai. Que ce soit sous pivot ou avec la pluie, le résultat est identique ».
Il ajoutait alors : « au début, les gens ne m’ont pas cru, pour eux la truffe ne pouvait pousser sous pivot ». Aujourd’hui, plusieurs de ses voisins l’imitent. Il pense faire comme en Arabie saoudite : épandre au sol une poudre de truffes séchées contenant des spores qui, une fois arrosées, pourraient donner des truffes.
Une production qu’il vend entre 15.000 et 25.000 DA le kilo : « celle de couleur blanche, on me l’achète à 25.000 dinars ».
Grossiste en truffes
Pour sa part, bien qu’amateur de truffes, Toufik n’en cultive pas et pour cause, il est commerçant grossiste. Originaire de Ouargla, en janvier dernier, il était à Béchar pour affaires : « On achète des truffes et on approvisionne notre wilaya et celles environnantes ».
Au niveau de la Hamada Hamra de Béchar, cette vaste dépression redevenue verte à la faveur des dernières pluies qui se sont abattues en abondance sur le Sahara algérien, il s’enquiert du niveau de la récolte à venir. Descendant de son véhicule Hilux flambant neuf, en quelques dizaines de minutes, il trouve 4 truffes dont certaines de la taille d’une orange.
Il confie à Echourouk News : « les dernières pluies ont été bénéfiques ». En cette fin de journée, l’ombre des cueilleurs s’allonge sur le sol et son collègue indique que c’est à la tombée du jour qu’on repère le mieux les monticules sous lesquelles se trouvent les truffes : « en milieu de journée tu ne les vois pas ».
Il ajoute : « ces dernières années avec la sécheresse il y avait peu de Terfess. » En professionnel averti, il recommande : « il faut les récolter délicatement sans tout arracher car, elles peuvent repousser ». Enfin, il prie les cueilleurs de : « les laisser grossir et de ne pas les arracher trop tôt ».
Truffes d’Algérie : un kilo à plus de 15.000 dinars
En plus de l’exportation vers l’Arabie Saoudite, la demande locale est forte. En mars 2024 la truffe se négociait à prix d’or à Ghardaïa. En ce début de saison, elle s’affichait jusqu’à 15 000 DA le kilo, soit « plus de sept fois bien plus chères que la viande rouge», notait le média Just-infodz. Il ajoutait qu’il ne restait plus qu’aux acheteurs potentiels de se faire prendre en photo près des étalages tout en ironisant « un selfie à défaut de les déguster… ».
Des acheteurs avouent : « Elles sont beaucoup trop chères pour moi, mais je ne peux m’en empêcher de les manger des yeux. Rien que d’y penser comme ça, me donne l’eau à la bouche » ou « j’attends que les prix baissent pour en acheter, j’en ai l’eau à la bouche rien qu’en les regardant ».
Les puristes les cuisent dans l’eau avec du sel puis les accompagnent de beurre local, le d’hane. Entre-temps : « un monsieur s’arrête avec son véhicule luxueux demande les prix et commande sur place un kilo à 15 000 DA le kg », relate la même source. Un prix au kilo qui ne supporte pas la comparaison avec celui du blé fixé à 6 000 DA le quintal et que sont censés produire les investisseurs au sud.
Face à la demande, au sud on est passé de la cueillette d’un produit naturel à une culture de type industriel. Si la vente à l’étranger de ce produit de niche contribue à la politique d’exportation hors hydrocarbures, pour les services agricoles la priorité reste les cultures stratégiques dont les céréales et les oléagineux.