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Une architecte franco-algérienne réalise une mosquée d’exception à Paris

La diaspora algérienne compte des femmes et des hommes de talent. Parmi eux, Meriem Chabani, une architecte franco-algérienne au parcours exceptionnel, actuellement à la tête d’une réalisation audacieuse à Paris.

Figure prometteuse dans le paysage architectural mondial, Meriem Chabani adopte une vision contemporaine et engagée, un atout qui l’a menée aux commandes d’un projet ambitieux dans le 11e arrondissement de Paris : la construction d’une mosquée avant-gardiste.

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Une mosquée d’un nouveau genre à Paris pensée par une architecte d’origine algérienne

La mosquée imaginée par Meriem n’est pas qu’un lieu de culte. C’est littéralement un centre religieux et culturel qui sera érigé dans le 11e arrondissement de Paris, un nouveau concept voulu par Chabani après une sollicitation des responsables de l’association qui gère la mosquée Omar Ibn Al-Khattab, située au 79 rue Jean-Pierre Timbaud.

Pour Meriem Chabani, architecte de renom d’origine algérienne, il était important que cette « mosquée », d’une superficie de 2000 m² soit adaptée aux standards de vie des musulmans français, ce qu’elle explique dans les colonnes du Monde :

« Ce qui me faisait envie, ce n’était pas la conception de l’espace sacré en tant que tel, mais le fait de construire une mosquée dans un pays où les musulmans sont minoritaires. En Europe, l’esthétique orientaliste, le dôme, le minaret disent tout de suite que c’est une population qui vient d’ailleurs. Comment faire une mosquée française pour des Français : c’est cette question qui m’intéresse ».

Cette construction d’un nouveau genre n’aura donc rien d’une imitation des mosquées traditionnelles d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient. Ce sera un centre religieux et culturel qui comprendra principalement des salles multifonctionnelles, des espaces d’exposition, une bibliothèque, une boutique et des bureaux.

Meriem Chabani mise sur la flexibilité : les murs fixes sont remplacés par des rideaux en tissu insonorisés. Le concept est donc de pouvoir moduler les espaces en fonction des besoins et des moments de la journée (heures de prière).

L’équipe de construction a même mené une consultation publique auprès des habitants du quartier afin que le projet soit le plus transparent possible.

Le parcours exceptionnel de Meriem Chabani

Professionnelle audacieuse, Meriem Chabani n’est pas une architecte comme les autres. Née en Algérie en 1989, elle s’expatrie en France avec ses parents, médecins, en 1992. Elle grandit alors en banlieue parisienne, à Vitry-sur-Seine, et très vite, elle se révèle brillante.

Meriem est diplômée de l’École nationale supérieure d’architecture Paris-Malaquais, et s’engage pour les territoires du Sud et des marges.

En 2015, elle co-fonde le collectif New South, une initiative qui vise à améliorer l’architecture des communautés marginalisées. Son travail l’amènera d’ailleurs à concevoir un centre culturel pour les Birmans en 2022.

L’architecte algérienne a une carrière des plus florissantes : elle enseigne à Paris-Malaquais, au Royal College of Art à Londres, à la HEAD (Haute École d’art et de design) de Genève, et à Harvard, où elle passe 6 mois en 2023. Une belle revanche pour Meriem, alors que sa propre tante n’avait pu y entrer.

« Je coche les cases, les unes après les autres. Un classique d’enfant d’immigrés ! », rigole-t-elle, et d’ajouter concernant son refus de mobiliser les références des projets sur lesquels elle a travaillé dans les agences durant sa formation : « Fierté mal placée d’Algériens ! ».

« Cette hyperactivité m’a servi. Chaque école, de fait, permet de mettre un pied dans un entre-soi différent », commente-t-elle.

Son extraordinaire parcours est également jalonné de plusieurs distinctions prestigieuses. Du haut de ses 35 ans, la jeune femme a déjà remporté la bourse de la Fondation Jacques Rougerie en 2013, le prix Europan en 2017, et le prix Europe 40 under 40 en 2020, décerné par le Centre européen d’architecture et le Chicago Athenaeum.

Pour le journal Le Monde, elle fait indéniablement partie des douze artistes et personnalités de la culture à suivre en 2025.

La modernisation de l’architecture musulmane en Europe

Sollicitée en 2017 pour mener à bien le projet de la nouvelle mosquée du 11e, lequel devrait être achevé en 2018, Meriem Chabani s’est associée à John Edom, un anthropologue britannique reconverti dans l’architecture avec qui elle partage la direction de New South.

Le binôme, qui semble partager la même vision de l’architecture, a récemment remporté deux concours en Belgique.

Pour le centre religieux et culturel, les deux acolytes se savent dans un contexte délicat, étant donné l’attachement de bon nombre de musulmans à l’architecture traditionnelle des mosquées.

« On construit pour les jeunes ! On construit pour nos enfants, pour nos petits-enfants… », martèle l’architecte franco-algérienne, poursuivant qu’en France, « un minaret ne sert à rien quand il n’y a pas d’appel à la prière. C’est comme un membre fantôme. Cela crée plus de problèmes que cela n’en résout ».

Confiants dans leur mission d’offrir un espace pensé pour les usagers et qui ne pâtit pas des conventions figées, ils voient là une nouvelle occasion de repousser les frontières de l’architecture :

« On est des militants de la marge. On sait que la situation nous est défavorable, que les règles du jeu sont faussées… Cela impose de faire un pas de côté. On se compromet en permanence, mais on a un cadre éthique fort ».

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