Économie

Viandes en Algérie : le langage de vérité de Tebboune

À nouveau se pose la question de l’origine des moutons qui seront sacrifiés pour la fête de l’Aïd el-Kébir 2025 en Algérie alors que les prix des viandes locales demeurent élevés.

Pour de nombreux ménages, le prix des moutons devient hors d’atteinte. Pour faire face à cette situation, l’Association de protection et d’orientation du consommateur et son environnement (Apoce) demande l’importation de moutons depuis la Roumanie.

Ce pays possède en effet un cheptel excédentaire et, selon l’Institut de la statistique de Roumanie, exporte annuellement jusqu’à 2,3 millions de tête.

En 2024, l’Algérie a déjà importé des moutons sur pied à partir de la Roumanie. Cependant, il s’agissait de moutons destinés aux abattoirs de l’Algérienne des viandes rouges (Alviar).

À l’époque, la rumeur de l’importation d’animaux pour l’Aïd el-Kebir avait couru et avait agité les marchés hebdomadaires de bestiaux. Les éleveurs se déclarant alors dans l’attente de cette décision, ce qui avait eu pour effet de freiner les transactions et la hausse des prix des moutons.

Puis en avril 2024, dans un communiqué, Alviar a démenti la rumeur d’une prochaine importation de moutons à partir de la Roumanie indiquant que les moutons importés étaient destinés à l’approvisionnement du marché et non pour l’Aïd el-Adha.

À la suite de quoi, débarrassés de cette incertitude, sur les marchés aux bestiaux, les prix des moutons sont repartis à la hausse.

Des sécheresses récurrentes

Ces dernières années, outre le surpâturage, la sécheresse a réduit l’offre fourragère des parcours steppiques. Il n’est pas rare de voir des troupeaux de moutons errant sur des parcours aux maigres ressources fourragères.

La valeur moyenne des parcours est estimée à 150 unités fourragères correspondant à 150 kilos d’orge, elle est passée à 60 UF, selon les services agricoles de la wilaya de Naâma.

Une offre à comparer à celle de 300 UF correspondant aux parcours protégés et bénéficiant de plantations d’arbustes fourragers réalisés par le Haut-Commissariat au Développement de la Steppe (HCDS) et des services des Forêts. Des parcours loués de façon saisonnière et appréciés des éleveurs.

Le manque de fourrages ces derniers mois a amené des éleveurs à vendre une partie de leur cheptel aux abattoirs ce qui a réduit l’offre en agneaux et provoqué la hausse de leur prix.

S’exprimant sur Echourrouk TV ce jeudi 27 novembre, un responsable des services météo indique que le manque de pluies de ces dernières semaines affectant certaines wilayas devrait laisser place à des précipitations.

Les précédentes précipitations qu’a connues l’extrême sud du pays ont permis un répit même si l’offre fourragère qu’a permis ces pluies reste minime face à la demande des éleveurs.

Un problème structurel

La question de l’éventuelle importation de moutons roumains illustre les difficultés de l’élevage du mouton en Algérie. Ce manque de fourrages n’est plus un simple problème conjoncturel lié à la seule sécheresse, il devient structurel.

Nombreuses sont les études qui soulignent que le nombre de moutons est trop important pour que les parcours dégradés de la steppe puissent les nourrir. À cela s’ajoute le caractère informel de ce type d’élevage dont les bénéfices ne sont pas ré-investis dans l’amélioration de la filière ovine.

Le dernier recensement du cheptel ovin s’est donné pour but d’assurer une meilleure équité dans la vente d’orge à prix réglementé lors des périodes de soudure.

Le soutien au prix de l’orge est salutaire mais selon des experts, il a pour effet d’entraîner le maintien d’un sureffectif de bêtes sur les maigres parcours steppiques.

Si la protection sanitaire s’améliore ainsi que des initiatives pour développer les fourrages irrigués, le réchauffement climatique devient préoccupant notamment dans les wilayas de l’ouest du pays.

Malgré le savoir-faire des éleveurs, le cheptel reste à l’écart du progrès technique et cela en dépit du grand nombre de techniciens, ingénieurs et vétérinaires sortis des universités.

Des universitaires ont confectionné des « cubes de son » enrichis de sous-produits des industries agro-alimentaires : mélasse de sucre roux, grignons d’olive, rebuts de dattes … Mais ces initiatives qui permettent d’assurer les besoins minimum des animaux en période de soudure n’ont fait l’objet d’aucun soutien.

Viandes en Algérie : le constat d’échec de Tebboune

Par ailleurs, nombre de petits éleveurs rencontrés dans les marchés aux bestiaux ne bénéficient d’aucun soutien en matière d’élevage et disent qu’en absence d’emplois en milieu rural, l’élevage de moutons reste leur seule source de revenus.

Lors de son intervention à l’occasion du 50e anniversaire de la création de l’UNPA, le président Abdelmadjid Tebboune a évoqué l’évolution de la population algérienne vers 55 millions d’habitants et le défi posé aux agriculteurs pour les nourrir. Il a évoqué le problème des prix élevés des viandes qui ne sont plus à la portée de nombreux citoyens. Un kilogramme de viande rouge locale a atteint cette année 3000 dinars.

« Soyons honnêtes entre nous (…) Personnellement, je sens un échec dans la production de viandes. Il faut qu’on trouve une solution. Nous importons l’aliment de bétail et les viandes en même temps. Il faut un choix. Soit on importe les viandes ou l’aliment de bétail. Les importer en même temps est inconcevable. Les prix des viandes ont augmenté », a dit Tebboune aux agriculteurs et éleveurs.

« Il y a des pays qui ont moins de moyens et de moindre surface que nous, ils exportent les viandes. Il y a une faille et nous devons trouver où est le problème », a-t-il ajouté.

Le président Tebboune a insisté sur la nécessité de lutter contre la contrebande des moutons. « Nous devons tous surveiller les frontières », a-t-il demandé.

Si la production locale de moutons venait à continuer d’être insuffisante malgré les réserves de productivité existantes, il semble qu’il faudra se résoudre à rechercher des alternatives à la viande de mouton.

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