Après une « accalmie » de plusieurs mois, les scènes de responsables algériens sermonnant publiquement leurs collaborateurs et subalternes, semblent reprendre de plus belle. Depuis le remaniement gouvernemental du lundi 18 novembre et le dernier mouvement dans le corps des walis, les médias et pages sur les réseaux sociaux ont relayé des vidéos de ministres et walis exprimant leur colère devant les caméras.
Il s’agit d’une vieille pratique en Algérie qui refait surface de temps en temps. Lors de visites de terrain, certains responsables n’hésitent pas à pointer du doigt publiquement les manquements, que ce soit dans la qualité des services publics ou la conduite des chantiers de réalisation. Certains coups de gueule, notamment de walis sont mémorables.
À première vue, un tel comportement peut paraître louable puisqu’il laisse penser à un suivi rigoureux de la gestion des affaires publiques et à une importance de premier ordre donnée à l’application stricte de la réglementation.
Les ministres, walis et autres responsables qui laissent éclater leur colère en public et devant les caméras le font, sans doute, par souci de se faire entendre de leurs subalternes et combattre la nonchalance dans le respect des procédures, de la qualité de service et des délais de réalisation des infrastructures publiques. Avec un wali colérique, les maires, chefs de daïras et autres responsables des démembrements locaux de l’État n’ont qu’à bien se tenir.
Certains le font aussi pour soigner leur image tant auprès de leur hiérarchie que des citoyens. Sauf que, parfois, de telles scènes débouchent sur l’effet contraire. Un fonctionnaire, père de famille de surcroît, qui se fait molester devant les caméras, est une scène qui n’est pas toujours applaudie. Au contraire, elle peut susciter l’indignation de l’opinion publique, quand bien même l’intention du responsable qui hausse le ton est louable.
Cela, nonobstant le préjudice psychologique qui peut être causé au cadre de l’État ainsi malmené. Toute l’Algérie se souvient des larmes de l’ingénieur qui a été humilié devant les caméras de télévision par le wali d’une wilaya de l’Ouest du pays. Celui-ci lui avait fait notamment des remarques sur la veste quelconque qu’il portait.
Montrer de la fermeté sans laisser éclater sa colère
La colère est mauvaise conseillère, dit-on. S’il y a un moment où un responsable de haut rang doit s’abstenir de s’exprimer publiquement, c’est précisément lorsqu’il constate des écarts qui le mettent hors de lui. Prendre la parole quand on est sujet à une telle émotion comporte toujours un risque de dérapage.
Se soucier de la bonne marche des affaires publiques, des services et des projets est évidemment ce qui est attendu d’un responsable de l’État, quel que soit son rang. Y mettre la manière est encore plus louable.
Il est possible, en effet, de montrer de la fermeté sans laisser éclater sa colère en public. Du reste, le responsable peut, et doit, recourir aux outils que met à sa disposition la réglementation pour noter, récompenser, sanctionner ou rappeler à l’ordre en cas de manquement.
Des procédures et des mesures sont prévues à cet effet. Et pour sermonner, il est plus indiqué de le faire au cours d’une réunion ou en tête-à-tête dans un bureau fermé, loin des objectifs des caméras et des regards du public. Cela préserve à la fois la dignité du fonctionnaire et l’image du responsable ainsi que celle de l’administration.
Du reste, cette surveillance occasionnelle du travail de l’administration au cours des visites de terrain a montré ses limites. Les visites n’étant pas toujours inopinées, les responsables au niveau local ont tout le temps pour colmater les brèches et les insuffisances pour présenter leur secteur sous son meilleur jour à l’occasion de la venue d’un responsable de plus haut rang, à la manière des « villages Potemkine », du nom d’un conseiller de la Russie d’antan qui exposait de beaux villages en carton le long de l’itinéraire qu’allait emprunter la tsarine.
Sermonner des cadres de l’État devant les caméras peut illustrer des défaillances graves dans le suivi des projets par les mêmes responsables qui se permettent de tels comportements. Il est même inutile de se déplacer sur le terrain pour faire le suivi des projets. Ce n’est pas le rôle d’un ministre ou d’un wali de le faire. Un contrat de construction est régi par des règles claires qu’il faut respecter et le suivi du chantier est assuré par une entité bien définie.
Au risque de se répéter, les responsables à tous les niveaux disposent de tous les outils pour une remontée de l’information en temps réel et peuvent prendre en conséquence toutes les décisions qu’ils jugent adéquates. Quant à leur image, elle est déterminée par la seule bonne ou mauvaise marche du secteur dont ils ont la charge.
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