Yazid Sabeg s’est exprimé à son tour sur la crise entre l’Algérie et la France. D’origine algérienne, il avait mis en place le plan banlieue quand il était commissaire à la diversité sous la présidence de Nicolas Sarkozy (2007-2012). Il a co-signé une tribune avec l’avocat Jean-Pierre Mignard, publiée mercredi dans Libération.
Les deux personnalités proposent un plan de sortie de crise en trois points. D’abord, le règlement du dossier mémoriel qui empoisonne les relations entre les deux pays.
Pour régler ce litige, ils estiment que la France doit reconnaître qu’elle a commis des « actes gravement contraires aux droits élémentaires de la personne » durant la colonisation de l’Algérie.
La France peut proclamer qu’elle a « commis, en Algérie, des actes gravement contraires aux droits élémentaires de la personne »
« Nous pouvons, en effet, proclamer solennellement que notre pays a commis, en Algérie, des actes gravement contraires aux droits élémentaires de la personne », proposent-ils.
Yazid Sabeg et Jean-Pierre Mignard ont entamé leur tribune, avec un rappel de ce que fut la colonisation française de l’Algérie.
Pendant les 132 ans de colonisation, « le régime de l’indigénat, le recours à la force pour réprimer toute velléité de droits, les inégalités flagrantes dans l’accès à l’éducation, à la justice, à la propriété, déchirèrent jusqu’aux fondements de la République », rappellent-ils.
Ensuite, Yazid Sabeg et Jean-Pierre Mignard résument la situation en France sur la question mémorielle. « Certains, au nom d’une vision idéalisée de la colonisation, nient toute faute », écrivent-ils, allusion à l’extrême droite qui parle encore des bienfaits de la colonisation et qui n’a pas encore digéré l’indépendance de l’Algérie.
« D’autres, à l’inverse, entretiennent une vision culpabilisante, sommant la France de se repentir », ajoutent-ils.
Les deux personnalités mettent en avant la dimension humaine presque unique entre les deux pays, avec « 4 millions peut-être de binationaux, d’enfants et de petits-enfants de parents algériens, ou à la fois Algériens et Français », qui « vivent aujourd’hui dans un enchevêtrement d’appartenances, de souvenirs, de cultures et forment une exceptionnelle mixité humaine. »
Pour eux, la France, comme l’Algérie, « ne peut se résoudre à se laisser constituer une communauté franco-algérienne repliée sur elle-même et du fait de sa double appartenance finalement malheureuse. »
Et au lieu de s’enfermer dans des querelles mémorielles, la France et l’Algérie peuvent s’appuyer sur cette dimension humaine, presque unique, pour « sceller une alliance constructive ».
Algérie – France : Sabeg propose une alliance gagnant-gagnant
Dans cette alliance, la France aiderait l’Algérie à développer son agriculture et son industrie, selon les deux personnalités. En échange, l’Algérie « contribuerait à la sécurité, notamment énergétique, de la France et de l’Europe », expliquent-ils. « Il faut enfin mettre un terme à un affrontement identitaire harassant et stérile », tranchent-ils.
En plus de la mémoire et du développement économique, Yazid Sabeg et l’avocat Jean-Pierre Mignard ont abordé la question migratoire, notamment l’accord franco-algérien de 1968 que l’extrême droite et la droite veulent abroger unilatéralement, alors que l’Algérie refuse.
Accord de 1968 : ce que propose Yazid Sabeg
Ils estiment qu’il faut « poser un regard dépassionné sur l’immigration », et estiment que la « dénonciation pure et simple » de l’accord de 1968 « ne réglerait rien ».
Yazid Sabeg et Jean-Pierre Mignard se prononcent pour une révision de cet accord, dans le respect de l’Algérie. « En aucun, cas cette question (de l’immigration) ne doit permettre de flétrir l’Algérie ou ses ressortissants. »
L’avocat et l’homme d’affaires reviennent ensuite sur la question mémorielle. « Nous avons reconnu après tant d’années que la France, sous le régime de Vichy, avait trahi ses principes envers ses citoyens juifs en prêtant la main à leur massacre. Comment pourrions-nous, dès lors, refuser un geste comparable au sujet de l’Algérie ? », s’interrogent-ils.
L’Algérie et la France ont « beaucoup d’enfants » en partage, qui « nous demandent de les accueillir, de les respecter, de leur dire la vérité. »
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